Que devrais-je savoir qui n’est pas qu’il est nécessaire de manger, boire, dormir et cacher mon apparence hideuse ?

Où suis-je ? Je ne sais pas.
Qui suis-je ? Je ne sais pas.
Que suis-je ? Je ne sais pas.
J’ai beau être entouré de toutes ces personnes qui me ressemblent juste un peu, j’ai l’impression que je ne devrais pas être là. Je ressens le besoin de me cacher. Il ne faut pas qu’on me voit. Je dois rester loin de tout le monde. Mais pour quelle raison ? Je ne sais pas.
Quand je vois que quelqu’un a besoin d’une aide que je peux donner, je m’approche avant de partir très vite. Pourquoi est-ce que j’y vais ? Je ne sais pas.
Où devrais-je aller ? Je ne sais pas.
Que devrais-je faire ? Je ne sais pas.
Qu’est-ce que je sais ? … Je ne sais pas non plus.

Le ciel est tout noir. Mais avec ces lumières qui éclairent les rues, je peux voir autour. La nuit. Je ne sais pas comment je connais ce mot, comme d’autres qui me viennent naturellement contrairement à d’autres. Encore quelque chose que je ne sais pas… Je dois me concentrer pour rester sur ce que je sais. Comme le fait que je dois manger pour ne pas avoir mal au ventre. Et me cacher pour ne pas faire peur aux autres personnes. Pourquoi suis-je ainsi ? Je ne le sais pas non plus.

Je sens une bonne odeur qui est toute proche. Une odeur que je sais venir de nourriture. Mais je sais aussi qu’elle provient de bâtiments dans lesquels je ne peux pas entrer. Comment je le sais ? Ca, je le sais : quand j’ai eu faim la toute première fois, j’ai essayé d’entrer et j’ai été mis dehors. On me criait dessus en me disant de ne plus jamais revenir. Maintenant, je ne veux plus le faire sinon ça recommencera sans doute. Alors, je fais autrement pour manger. Ce n’est pas assez, et parfois ce n’est pas bon, mais je suis obligé pour ne pas avoir mal.

Je marche un peu pour trouver le bâtiment d’où viennent les bonnes odeurs. Des personnes entrent et sortent régulièrement, alors ce doit vraiment être là. Comme je porte un très grand gilet, trop grand pour moi je pense, et que la capuche est sur ma tête, personne n’a peur. C’est comme si j’étais caché, invisible. Tant mieux. Je n’aime pas faire peur. J’en profite pour faire le tour du bâtiment en soufflant doucement sur mes doigts. J’ai froid… Je ne sais pas comment faire pour avoir chaud, pour que les doigts de ma main droite ne changent pas trop de couleur. La gauche… reste toujours pareille parce qu’elle n’est pas pareille. Pourquoi… ? Je ne sais pas…

Je ne l’ai pas fait exprès, mais je me suis arrêté pour regarder mes deux mains. Je voudrais vraiment savoir pourquoi elles sont si différentes l’une de l’autre. Mais comme je n’ai jamais su la raison, même en les regardant pendant très longtemps, je sais que ça ne sert à rien. Je soupire et ça fait un grand nuage blanc qui sort de ma bouche et mon nez. Puis, je continue à marcher pour aller derrière le bâtiment qui sent bon. Personne ne m’a vu et personne ne sort par la porte. Super ! Je vais pouvoir regarder dans la poubelle !

Je suis assez grand pour soulever le couvercle sans problème. Et comme elle est pleine, je peux aussi facilement regarder ce qu’il y a. Pas grand-chose… Les autres personnes doivent avoir faim, ce soir. Peut-être qu’il y aura plus, plus tard ? Mais je ne veux pas attendre. Si je le fais, j’aurais mal. Mon ventre fait déjà beaucoup de bruit depuis longtemps, mais je voulais avancer plus. Toujours plus.
Pourquoi je veux m’éloigner ? Je ne sais pas…
M’éloigner de quoi ? Je ne sais pas.
Comment pourrais-je savoir ? Je ne sais pas !

Je referme le couvercle en soupirant sans bruit. Seule la fumée qui sort encore est le signe que je le fais. Il fait plutôt noir ici, malgré la lumière au-dessus de la porte à côté de la poubelle. Il y a encore du monde dans la rue à côté. Tous semblent un peu pressés. Sauf parfois des groupes, mais ils sont moins nombreux. J’ai froid… Alors je recule pour m’asseoir, le dos contre le mur derrière moi. Je serre mes bras avec mes mains et mes genoux sont relevés. Je ne sais pas quoi faire maintenant, à part attendre en espérant que plus tard je pourrais manger quelque chose. Et espérer que personne ne va sortir du bâtiment. Pas maintenant. Mais si personne ne sort, alors je n’aurais pas à manger de toute façon.
Que dois-je faire ?
Qu’est-ce que je peux faire… ?