Je fixe le plafond fixement, couché sur mon lit, les jambes croisées. Joyeux anniversaire Lyosha. 18 ans, l'âge de raison dans bien des pays. Je me surprend à penser brièvement à ma famille en Russie. Enfin si on peut appeler ça une famille. Je pense surtout à ma sœur que j'ai été obligé de laisser là bas avec ces fous furieux. Pas un jour ne passe sans que je pense à elle mais pour le moment il n'y a rien que je puisse faire. Lorsque j'aurais plus de liberté de mouvements, je pourrai peut-être lui rendre visite. Mais avec ma chance je risque de tomber sur ce taré d'Alexander. Rien que de penser à lui, j'ai envie de me vomir dessus. Je me redresse et m'assois au bord de mon lit les coudes posés sur mes genoux et les mains croisées au niveau du visage. Assez de ruminations ! J'ai 18 ans, bon sang ! Il n'y a qu'une seule façon de fêter ce jour dignement ! Dérober de l'argent dans le bureau de l'instructeur chef et faire le mur pour aller boire à n'en plus finir. Bon d'accord le vol n'est pas nécessaire mais ça reste amusant et, après tout, c'est mon anniversaire donc j'ai le droit de faire ce que je veux.

Je me lève et sors de ma chambre pour me diriger vers le bureau cible. Une fois arrivé je frappe à la porte et j'entre. L'instructeur est là, griffonnant frénétiquement sur ce qui semble être un rapport disciplinaire. Parfait. Il lève les yeux brièvement vers moi avant de reporter son attention sur le bout de papier.

- Que voulez vous Dachkov ? Je suis occupé.
- Pardon de vous déranger Monsieur mais le Commandant en chef Luverrier souhaite vous parler.
- Oh vraiment ? Et pourquoi vous aurait-il chargé de me porter ce message ?
- Probablement car il n'a pu résister à mon charme ravageur, Monsieur. L'instructeur fronce les sourcils, ma blague ne l'amusant visiblement pas. - Je l'ignore Monsieur. Je ne suis pas dans la tête du Commandant.
- Soit, je m'y rend de ce pas. Vous pouvez disposer, Dachkov.

J’exécute un salut militaire avant de sortir et de me cacher derrière un coin de mur. J'attends patiemment que l'homme sorte du bureau et s'éloigne avant de m'en approcher et de rapidement y entrer. Je fouille consciencieusement tous les tiroirs avant de parvenir à mettre la main sur une liasse de billets que j'escamote rapidement dans ma tenue. Facile. Tout se déroule comme prévu. Je sors et me dirige vers un endroit du mur facile à escalader avant d'être intercepté par une voix dans mon dos.

- Ou est ce que tu crois aller comme ça ?

Je grimace avant de me retourner, le sourire aux lèvres, l'air insouciant et innocent.

- Tiens, si ce n'est pas le légendaire Erich Schreyer ! Comment vas tu en cette belle soirée ?
- Je t'ai observé Lyosha, tu t'apprêtes à faire le mur !
- Moi ? Faire le mur ? C'est n'importe quoi ! Tu deviens parano mon pauvre Erich !
- Je t'ai vu faire ! Et je vais faire un rapport sur tes agissements ! A moins que tu ne préfères retourner dans tes quartiers ?

Je soupire lourdement. J'ai horreur de l'improvisation et si il y a bien une personne qui est capable de foutre le bordel dans tout mes plans, c'est bien ce pénible de Schreyer.

- Ecoute Erich, je t'aime bien. Mais tu sais, je pense qu'il est grand temps que tu fermes TA GUEULE ! Et tout le monde s'en portera mieux !

Dans la foulée j'attrape Schreyer pour l'embrasser sur la jouer et lui tapoter le crâne comme on le ferait à un chien obéissant. Son visage se déforme sous le coup de la rage et il s'apprête à reprendre la parole  quand il est interrompu par une autre personne. Décidément cet endroit est en train de devenir une foire.

- Ça à le mérite d’être direct. Tu devrais le faire plus souvent.

Je me tourne vers la personne. Inconnu au bataillon, ça a l'air d'être encore un gamin. Mais vu la tête de Schreyer et son arrogance, ça a l'air d'être un bon petit tas d'ennuis. Je lui rend son sourire.

- Je n'arrête pas de lui dire mais que veux tu ? Il comprend vite mais il faut lui expliquer longtemps.
- EN VOILA ASSEZ ! Vous osez manquez de respect à un supérieur, au règlement et au Crow tout entier ! Vous allez voir ce que vous allez voir ! Ahmès et Lyosha, vous vivez vos derniers jours ici !!
- Oui c'est ça, va jouer tout nu à la balle avec une ruche.

Je regarde Schreyer s'éloigner en tempêtant, en riant doucement. Je me tourner ensuite vers le gamin.

- Bon Ahmès c'était sympa de faire ta connaissance mais j'ai des choses importantes à faire. Allez, salut !

Je me dirige vers le mur que j'escalade sans difficultés avant de me retrouver hors de l'enceinte du Vatican. Je m'arrête un instant pour respirer l'air nocturne et ce sentiment de liberté. Je mets les mains dans les poches et souris une nouvelle fois en sentant l'épaisse liasse de billets. Je vais passer une bonne soirée moi. Direction : le bar !

J'ai à peine le temps de faire quelques pas en direction du centre ville, que j'entends un bruit de chute derrière moi. Je me retourne pour voir Ahmès arriver vers moi tranquillement.

- Je peux te tenir compagnie ? J’ai un peu trop de temps libre ces derniers temps.
- Un peu trop de temps libre ? Dis plutôt que tu as peur d'affronter les conséquences de tes actes, petit bonhomme. Je soupire. - T'es bien gentil mais je ne fais pas dans la garde d'enfants. Je vais dans un endroit où un mineur n'a pas vraiment sa place : un bar. Et je n'y vais pas pour boire de l'eau. J'ai quelque chose à fêter aujourd'hui.

Je fais demi tour et reprend ma route en direction dudit bar et m'arrête au bout de quelques pas. Je me tourne vers Ahmès.

- Je sais que tu n'es pas du genre à abandonner comme ça. Surtout d'après ce que j'ai vu et entendu tout à l'heure. Donc libre à toi de venir si tu le souhaites mais ne compte pas sur moi pour te tenir la main.

Têtu comme il a l'air de l'être, il m'aurait sûrement pris en filature et la dernière chose que je souhaite, c'est devoir aller dire qu'un des gamins à eu un problème parce qu’il m'a pris en filature lors de ma sortie interdite. Oui, il vaut mieux que je le garde dans mon champ de vision. Il a l'air du genre à créer les catastrophes, à les provoquer et surtout, à les aimer. Je préfère l'avoir à côté de moi plutôt que de le savoir dans l'ombre a préparé un sale coup. Bon assez perdu de temps, la temps file et je n'ai toujours pas ingéré une seule goutte d'alcool. Je presse légèrement le pas pour gagner un peu de temps.

- Alors Ahmès, d'où tu viens ? Je mise sur l'Egypte. Au passage, Schreyer a fait les présentations pour nous mais bon ça ne coûte rien. Je m'appelle Lyosha.

Le décor change autour de nous, à mesure que nous progressons dans la ville. Nous quittons le quartier historique pour rejoindre la zone plus vivante de la ville. Là où les choses intéressantes se passent. Et aussi là où l'on trouve un certain nombre de prostitués et de personnes peu recommandables. Heureusement, le chemin que je nous fais prendre évite ce genre de zones sombres.

- D'ailleurs j'y pense, t'as quel âge exactement ? T'es mineur ça c'est sûr, mais à quel point ?

Est ce que ça change quelque chose ? Oui, évidemment. Entre faire boire un gamin de 17 ans et un gamin de 12 ans il y en a une. En Russie, les enfants sont précoces mais bon, je ne suis pas en Russie. Donc autant faire attention.

Au bout de plusieurs dizaines de minutes de marche, nous finissons par arriver devant le bar. Enfin ! Vu comment cette soirée a commencée, je pensais ne jamais voir cette enseigne. J'entre en poussant vivement la porte, la faisant claquer contre le mur, et lance à la cantonade :

- PATRON ! Une bière ! Je pointe un homme du doigt au hasard dans la salle. - Et une bière pour lui ! Je pointe une autre personne. - Et une pour lui ! Je pointe encore une autre personne. - Et lui ! A BOIRE POUR TOUS LE MONDE ! CE SOIR JE FÊTE MES DIX HUIT ANS !

Ma tirade est accueillie par des vivats et des claques dans le dos. Les gens m'adressent des sourires, des remerciements et des félicitations. Je saisis ma bière et mon verre et celui de plusieurs inconnus s'entrechoquent. Je termine ma pinte en quelques gorgées et je la fais claquer sur le comptoir en lâchant un soupir de satisfaction.

- DEUX autres ! Je saisis les deux pintes et en fourre une dans les mains d'Ahmès. - Allez quitte à être dans la merde, autant se mettre sur le toit ! Santé !